J’ai vu la bombe exploser, au loin, vers le centre de la ville. Elle n’était pas prévue… J’ai vu le flash. Je marchais tranquillement et wouf.
L’onde de choc n’est pas arrivée tout de suite. J’ai eu le temps de voir les bâtiments tomber un à un. Je me suis fait la réflexion que je n’avais aucune chance d’échapper au souffle. Pas la peine de courir…
Les grandes personnes étaient dans la cuisine en train de parler mais ça ne m’intéressait PAS ! D’ailleurs ça n’intéressait pas tout le monde : certains parlaient plus fort que d’autres, et d’autres ne parlaient pas du tout…
Bon, j’ai essayé d’écouter une peu, hein, pour quand je serai grand. Ça parlait du voisin qui a fait ci, du maire qui a fait ça, du village d’à côté dans lequel il s’est passé ceci. Ils disaient que c’est les choses importantes du monde mais moi je comprenais presque pas tout, et puis je crois qu’au fond ça m’intéressait PAS !
Voilà, un vendredi de début décembre, en pleine semaines des gilets jaunes, presque 6 mois après tous les autres de ma promo, mon nom était sur une liste, avec 8 autres, faisant de moi un diplômé infirmier !
Je sautillais partout, je me sentais libéré d’un poids, j’avais envie d’embrasser tout le monde. Je sentais une corde de plus à mon arc, un talent de plus dans mes mains ! Celui de prendre soin de ceux qui ne peuvent plus prendre soin d’eux. Peut-être était-ce cela que je cherchais, au fond, depuis le début ? Par vengeance, réparation…
Après presque 3 ans et demi de formation, j’ai réussi, achevé, quelque chose : j’ai le diplôme d’un des métiers les plus ambivalents du monde ; respecté par tous mais sérieusement sous payé…
J’ai l’impression d’être deux, d’avoir deux mains.
( ( « je suis infirmier » ) )
Mais alors j’avoue… un goût amer : j’ai appris la nouvelle seul, alors que j’étais dans la rue d’une ville inconnue, sans mes parents pour me féliciter, sans un conjoint pour m’embrasser.
Il y a trop de place pour moi, dans ma vie.
Tracklist :
« It’s in your hands », de Björk, parce que c’est dans mes mains, maintenant…
J’ai découvert une petite technique pour battre un Lynel sans trop de dégâts.
Le secret est d’avoir un terrain avec un poteau ou une pierre derrière lesquels se cacher, et d’utiliser cinetis. Cinetis ne gèlera le Lynel que quelques secondes, mais c’est bien souvent suffisant.
Un vendredi d’aout dont tout le monde se fout, où la plupart des panamiens ont quittés la ville ou s’apprêtent à le faire, dans une petite salle de pause au 4ème étage, une signature était apposée par une infirmière au verso d’une feuille bleue remplie de croix dans la colonne de droite.
Ce vendredi d’aout dont tout le monde se fout, où la ville ressemble à un village, cette signature sur cette feuille signifie la validation du stage et l’obtention des crédits manquants à l’obtention du diplôme d’infirmier de votre serviteur, bouclant ainsi 3 ans et quelques de formation !
Je fais la collection des perles. J’en découvre de temps en temps. Enfin… disons que l’on m’en offre de temps en temps… Ou est-ce moi qui les fait pousser, en fait ? Mais elles sont toujours une surprise, inattendues
Je les mets dans une boite, que j’ouvre de temps en temps. Mais elles s’estompent avec le temps. Certaines sont furieusement belles, et quand elles m’ont été offerte j’ai cru tomber sur une mine, mais non : elle était unique. Une perle, aussi belle soit-elle, et basta. Pas envie de la ranger, envie de l’admirer même si je m’y perds, même si je m’y brûle, même si elle m’empêche de dormir, même si j’ai envie de creuser le filon pour en avoir d’autres. Dur de se dire que ce n’est qu’une seule et unique perle, et qu’il faut la ranger…
La topographie est très variées : parfois très abrupte avec des pics comme des aiguilles et des crêtes longues comme des lames de rasoir, parfois plates comme le dos de ma main avec des courbes très douces. Je me balade souvent dans ces montagnes.
Je m’y perds souvent, en fait. Il n’y a pas vraiment de carte, ni de chemin tout tracé, ce qui fait que des fois je me retrouve asphyxié en haut d’un pic, ou au contraire noyé par la pluie tout au fond d’une vallée. Et je mets parfois des jours entiers à retrouver le chemin vers un plateau d’altitude moyenne.
J’arpente, j’arpente, je découvre de nouveaux paysages que je ne connaissais pas. Mais en ce moment je me fais des altitudes extrêmes ; impossible de trouver un plateau tranquille. Ça me crève…
Alors quand je suis chez moi, pour éviter de sortir je barricade tout, ou presque. Comme ce soir. Mais les montagnes m’oppressent tout de même, même si je ne m’y balade pas. Impossible de me couper d’elles : je vois leur ombre à travers mes fenêtres.
Pas bien loin de chez moi il y a un lac : le lac Calamedon.
Le chemin pour y aller n’est pas long, mais j’ai bien trop souvent la flemme de m’y rendre. Il est plutôt petit, très calme, l’eau y est étale.
Je sais que les démons ont peur de ce lac. Je sais aussi que ce lac n’est accessible qu’à moi (pour une raison que je n’explique pas, mes voisins ne peuvent y aller, mais je crois que d’une manière ou d’une autre ils ont le leur propre), ce qui fait que je n’y ai jamais rencontré personne d’autre que moi. Plusieurs chemins y mènent, mais ils atterrissent tous sur la même plage, pas très large, couverte de galets, sur laquelle il y a une seule pierre, sur laquelle je peux m’asseoir.
De la fumée, des formes, s’en élèvent et disparaissent. J’ai parfois l’impression d’y voir des sortes de fantôme des graines que je plante dans mon jardin, mais en fait j’en sais rien. Je crois que d’une certaine manière il sert de vase d’expansion de ce qu’il y a dans mon jardin. Ce lac ne fait rien pousser, il laisse juste la place nécessaire à ce qui veut pousser. Il n’y pleut jamais quand j’y suis, mais parfois quand j’en reviens.
Bref, j’y vais pas assez souvent.
Tracklist : Les guerriers du silence – Pierre Bordage