Faire de régime : je passe mon temps à siroter du Guarana et autres sodas, et à bouffer à pas d’heure : petit dej à 10h ou midi, repas vers 13 ou 14, puis vers 19, et enfin vers 2 ou 3h du mat’, après être rentré. Et on se couche vers 3 ou 4, ou 5, pour se lever vers 10 ou 11. Bref… La loose dans un pays où il raisonnablement possible de se balader torse nu.
Ignorer que c’est le carnaval, bientôt, surtout que nous sommes venus pour ça.
Visiter Rio : nous sommes à l’autre bout de Rio, un peu comme si d’Evreux vous vouliez visiter Paris : 1h de route au moins à chaque fois que nous voulons aller dans le centre.
Nous avons continué les cours et les répètes. Nous ne savons pas encore qui sera pris à Jacarepagua mais nous savons depuis aujourd’hui (vendredi) que nous défilerons tous avec Unidos de Padre Miguel (groupe d’accès).
Voilà, c’est fait : sauf accident nucléaire bibi défilera DANS le sambodrome en tant que rythmiste (avec un instru entre les mains, en l’occurrence une caisse claire)
Parlons-en : je ne sais pas si j’ai progressé, en fait. J’arrive à taper de manière régulière (ce n’est plus autant le bordel qu’avant) pendant une bonne heure mais c’est encore loin de ce que font certains de ceux avec qui je suis, qui sont eux carré comme des mitraillettes. Disons que quand je m’entraine seul ça m’a l’air bon mais ça n’a pas l’air de l’être quand je joue dans la bateria.
Anyway, je pense que ça ira. J’arrive aussi à jouer la batida de Mocidade plutôt pas mal bien ; exploit, pour moi.
De répètes en défilé de rue, l’air de rien, mon oreille musicale s’améliore, en même temps que je deviens sourd : je vois mieux les temps, mes mains se délient ( = deviennent plus indépendante l’une de l’autre). Voyez ça comme un brouillard qui s’estompe, vous dévoilant peu à peu les détails d’un paysage. Je mémorise de plus en plus facilement les séquences.
Alors voilà, dans peu de temps je défile dans le sambodrome. Il y a 3 ans vous m’auriez dit « Gab, tu vas défiler dans le sambodrome en tant que rythmiste » je vous aurais demandé ce que sont l’un et l’autre, et dit que m’a fois je n’en ai rien à foutre.
Mais voilà : un voyage au Kirghizstan programmé un soir de Mai à moitié bourré, où j’ai rencontré Léna, avec qui j’ai découvert Zabumba aux Solidays, puis allé aux festivals de Batuc au Cabaret Sauvage, puis inscrit à Sambacademia ; 2 ans et demi de frappes sur des tambours, plusieurs heures pas semaines, et passant par des phases d’euphorie et d’énervement, et Jérôme qui a su nous faire passer ce goût pour la samba et nous donner envie d’aller au Carnaval, au Sambodrome.
Et m’y voici, au Carnaval de Rio, la plus grande fête planétaire, et je vais y défiler.
J’aurais pu vivre sans faire ça, je n’avais pas programmé ça, ce n’était pas mon rêve, c’est un rêve que Jérôme m’a insufflé.
So what ? Comment dire ça sans être pédant … En suis-je moins fier ? Je ne sais pas. Ce n’était pas pour moi un objet de traque et je me suis juste laissé glisser sur une pente qui s’est présentée.
Quelle était cette pente ? Je serais de toutes manières tombé dans les percus à un moment où à un autre de ma vie ; de la musique électronique aux percus, il n’y a pas loin, et la « coloration » de ce type d’instrument me sied bien, hein Papa ?
J’ai suivi des cours auxquels je me suis volontiers inscrit. On m’a dit pendant ces cours « fais ci et ça » et je l’ai fait. J’y ai pris goût. Qu’ai-je influencé ? J’ai suivi des voies que l’on ma montré, têtu, je ne les ai pas fabriquées.
Pour autant … je sais la chance que j’ai d’être là. J’en ai conscience, mais j’ai aussi conscience que vous ne savez pas ce que c’est et que vous êtes comme moi il y a 3 ans : c’est quoi le Carnaval ? Ça marche comment ? c’est quoi un rythmiste ? Qu’en ai-je à foutre d’y défiler ? C’est un monde que vous ne connaissez pas, je suis en quelques sorte sen train d’accomplir un rêve de geek : un rêve pour ceux qui connaissent le milieu.
Je ne crois pas avoir grand mérite, dans cette affaire ; juste, peut-être, beaucoup de chance. Après tout, je voulais taper sur des tambours parce que ça me plaisait, pas pour aller au Carnaval.
Ensuite quoi ? Je me suis acheté une caisse claire. Elle va venir tenir compagnie au surdo, repique, pandeiro, berimbau et rebolo que j’ai chez moi. Et je compte m’en servir pour jouer à Obatuq.
Je vais continuer l’aventure. Je ne sais pas jusqu’où. Après tout je ne crois pas qu’il soit possible d’être trop bon dans son art.
Ambiance de groupe : je me sens d’une inutilité violente, genre un boulet d’acier. Je ne parviens pas trop à me défaire de cette impression. Globalement cela ne me gêne pas trop : je suis là pour être, peu importe qui je suis. Je lève le nez en l’air et me dit, apaisé (distant ?), qu’une personne m’aime et que ma foi, en fait, les autres m’apprécieront, ou pas, ainsi.
Mon humeur s’en ressent, et je sais (sens ?) que je ne suis pas forcément un bon compagnon, en ce moment.
Disons que je ne sais pas ce que j’apporte à ce groupe. « Rien » est la seule réponse qui me vient à l’esprit, et je n’ai aucune envie de poser la question à qui que ce soit.
Un peu comme si j’étais invisible : pas une remarque, pas un encouragement, pas une remontrance ; tout juste un objet. Mais je mens, un peu : on me parle, me prend les épaules, me pose des questions. Je blague, on rigole.
J’ai assez peu de temps pour buller, j’ai souvent le cerveau pris. Je veux dire que même s’il ne se passe rien dans la journée il y a basiquement beaucoup de choses à faire : réviser (la caisse), apprendre d’autres instrus (le cavac, le pandeiro, …), continuer ce génial petit bouquin que m’a offert Alicia, continuer Les Misérables.
Le temps de ne dilate pas comme il le fait en trek …