Fute (treillis ou Jean, ça dépend de la semaine), basket, sweat (OpenBSD) ou pull (noir), manteau blanc, sac à dos avec le Mac dedans, je pars au taf. Légère impression d’être un nomade solitaire …
Toujours le même trajet jusqu’à la station de métro, toujours les mêmes pas, toujours le même sac à dos, toujours la même chose dedans, ou presque, toujours les même clients à aller voir pour faire toujours la même chose.
Je hume l’air, arrive à y sentir l’arrivé du printemps (depuis plusieurs semaines, déjà), regarde les plantes aux abords du trottoir, écoute les oiseaux, regarde la lumière hivernale. Je me dis que je vais encore me faire chier aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi, au fond, je vais bosser. Je me dis que ça me fait chier d’écouter mon baladeur parce qu’il n’y a rien de nouveau.
Dans le métro parfois je joue sur mon téléphone, parfois je lis un magasine, parfois je voyage dans l’Himalaya, mais je ne lis jamais, ou presque, la presse-minute. Je me case à une place où je n’aurai pas à lever la tête toute les 20s.
Je connais le trajet par cœur, même plus besoin de regarder les panneaux. Je peste contre ceux qui mettent leur baladeur trop fort.
Sortie du métro, marche à pied. Là encore, je connais les chemins par cœur. Celui chez un client est plus agréable que celui chez l’autre : il y a des jolies lumière, de la verdure, de l’eau. Mais je sais que je vais m’y faire chier, chez l’un ou chez l’autre : pas de tâches spécifiques, impossibilité de glandouiller (culpabilité … ), travail en solitaire, et ce putain de ballon-sonde que je n’écoute pas me hurler « Casse-toi ! « .
Je lève mentalement le nez au ciel … élargie ma pensée … englobe ce qui m’entoure … repense à ce film vu (« La thérapie du choc ») … ce livre lu (« La Zone du dehors ») … ces articles parcourus (dans le dernier S&V) … ces conversations eues (MArdI) … ces personnes connues … j’aspire de l’air frais, goûte l’atmosphère … pour me détendre les poumons. Je suis en pilote automatique (mais depuis combien de temps ??? ), je ne suis pas seul dans ma tête, ou alors loin, très loin des bords, très loin de la 3D sensible, très très loin de ma … vie.
Fever Ray me tourne dans la tête, comme si c’était la chant de mon état d’esprit. Je m’en remémore les paroles et en frissonne.
Des millions de questions volent, des millions de paroles non dites aux personnes à qui elles sont destinées, des millions de choses à débattre, à creuser, des pensées à ordonner, un ordre sous-jacent à découvrir.
Je ne suis pas sapé pour aller bosser, faut bien le dire, mais je m’en cogne. Je me fais l’effet d’un … d’un quoi, avec mon sac à dos, toujours le même, mon manteau, toujours le même ? une sorte de pion ou de robot ? de pantin ?
Ce n’est pas une affaire de sape, c’est une affaire d’intérieur. Change de sape ne changera rien ; plaisir éphémère.
Je baisse les yeux de mon ciel imaginaire ; des choses sont attendues de ce corps empaqueté dans ce manteau surmonté de ce sac.
Serrage de main, posage de fesse, prise de café. Que la danse commence …
Torture quelques heures, et je repars dans l’autre sens, avec le sentiment de ne pas avoir plus avancé dans ma vie que dans je suis entré.
Même manteau, même sac, c’est parti pour la transhumance. Je hume l’air, regarde la lumière, relève le nez, constate, as usual, que je suis seul et que personne ne me retiens d’où je pars et ne m’attend là où je vais. Je ne me demande pas pourquoi j’y vais et ce que j’ai à y faire : je suis en mode automatique.
J’ai l’impression de n’avoir (besoin) que (de) ça dans ma vie : ce sac, ce qu’il contient, ce que j’ai sur le dos, et ce que j’ai dans la tête. Le reste …
Passage dans le parc, ça caille un peu, mais ça fait du bien. Je vois du verts, des lumières, des formes. C’est agréable. Je me rapproche des bords, je savoure, regarde autour de moi, marche, passe le canal, aspire de l’air.
Après-midi, idem que la matinée, en pire : le cadre est moins bien, les gens plus chiant. Je m’éloigne des bords, mon ballon-sonde s’élève.
Tout m’est familier (déco, odeur des locaux, gens, … ), tout me rappel quelque chose ; comme l’impression de vivre sans cesse la même journée, les mêmes gestes, mêmes secondes, mêmes heures, mêmes semaines, mêmes saisons, même vie …
Il faut que je trouve quelque chose à faire, ce que je dois faire, et le faire.
Oui, arrête de hurler, ballon-sonde, tu me fais mal aux oreilles …
Tracklist :
- « Triangle Walks », de Fever Ray
- « Drugstore », de Pills, pour « to the air ! »
We act as though comfort and luxury were the chief requirements of life, when all that we need to make us happy is something to be enthusiastic about.
– Albert Einstein
C’est ça le Samsara…