« Tableau de chasse », Claire Diterzi
Je ne maîtrise plus rien. Je n’arrive même plus à me rappeler ce que j’ai fait la veille, ou ce que je vais faire dans les deux jours. J’ai l’impression de courir après ma vie, mon emploi du temps.
En plus de courir après les gens.
Je commence des choses sans jamais les finir, ni même savoir ce que ça va donner; je m’attache alors que ça ne sert visiblement à rien (n’est-ce pas Matthieu?)
Esclave des temps modernes, je me disperse: trop de choses à faire, mais doivent-elles vraiment être faites? Je suis noyé par des évenements qui me dépassent. Où suis-je, là dedans?
Mon ballon-sonde est bien maltraité, mais toujours vivant.
Rien n’a été amélioré, depuis le Québec, au contraire: c’est pire. Je suis plus emprisonné; c’est plus subtile, plus sournois, plus insidieux, et j’ai moins envie d’en sortir.
Mon état de Grande Liberté a duré exactement 9 jours: du vendredi d’avant à ce lundi soir.
Pas 9 semaines, pas 9 mois ni 9 ans. 9 jours.
Depuis, tout a été saccagé. Ce n’est plus comme avant, plus aussi pire, mais différent: plutôt que de ne plus savoir où aller, je ne sais pas si je vais y arriver, si ça vaut le coup d’y aller, ou si je vais me faire du mal en y allant.
Je n’aime pas la pluie qui tombe dans la forêt…