Il était une fois une chenille qui dansait super bien la samba (elle avait pris des cours chez Les danseuses d’or). D’aucun aurait dit que c’était un talent inné : ses pas étaient fluides, groovy, sexy sans être vulgaire, d’une folle énergie communicative qui donnait à quiconque la regardait l’envie de bouger son boule.
Sa pote chenille adorait la regarder danser, se laisser emporter par sa danse. Elle le lui disait souvent. Elle la kiffait grave sa race. Pas de la jalousie, non non, du kiff.
Une fois qu’elle était particulièrement touchée par un set plein d’émotions, et d’un peu de tristesse, lui semblait-elle, elle alla vers son amie pour essayer de comprendre le message qu’elle essayait de faire passer dans sa danse.
- Pourquoi es-tu triste ?
La danseuse n’était pas triste. Enfin si, mais enfin non. Enfin pas comme ça. Enfin … c’est pas le mot. Mais elle s’en fout, du mot ! C’est pas le mot, qui compte. Ah zut …
Elle flottait dans sa danse, toute à ses indicibles ressenti, elle œuvrait au delà de l’exprimable et voilà que sa copine perturbe la fluidité de son groove en essayant de le faire rentrer dans les cases des mots.
Par respect et malgré que ça la faisait grave chier, elle répondit à son amie et extirpa du fond d’elle l’objet de sa douleur. Elle due adapter, tailler, réduire ce qu’elle ressentait afin de le faire comprendre à son interlocuteur. Elle eut l’impression de souiller, tordre, pervertir la beauté de ce quelle ressentait, et qui n’était pas encore mure pour affronter la lumière. Elle voulait laisser dans le vague, au dessous de l’exprimable, n’en montrer que les échos par sa danse, et elle eut l’impression que l’on violât la pouponnière de ses sentiments.
Ça la faisait grave chier sa mère, c’est pas comme ça qu’elle eu voulu que se passassent les choses. Elle eut voulu qu’on lui foute la paix et qu’on la laissât s’exprimer tranquille Émile, dediou, et qu’on laissât ses sentiments, ses émotions le temps de grandir et d’être prêt à être décrit précisément.
- Aaaahhh, dit son admiratrice, qui ne soupçonnait pas les conséquences de son innocente question.
Et elle s’en fut.
Et la danseuse ne pu plus danser : à chaque esquisse de pas elle se demandait « mais que veux-je dire là ? » et embourbée dans ces questions qu’elle ne se posait auparavant pas, elle ne su plus comment aligner correctement deux pas de samba. La magie, le groove, l’instinct, l’improvisation, avaient disparu.
Moralité : ne brisez pas la magie, ne tuez pas la poule aux oeufs d’or.