Et voilà, je me décale. Disons que je me cale sur l’étoile d’ici, qui a l’air bien plus présent que dans mon monde d’origine. Les bruits ne sont pas les mêmes, la chaleur n’est pas la même, et mon sommeil non plus, bien évidemment.
Je me retrouve avec… plein de temps : le temps de prendre une maigre collation matinale et… ah non il n’est pas l’heure de prendre la collation suivante : il est encore tôt, j’ai le temps de faire des choses, de travailler. La qualité du temps d’ici fait que j’en ai plus, comme s’il était infini. Peut-être est-ce là la qualité première du temps de cette île, donner la sensation qu’il est infini ?
Bref, arrivé à la collation suivante je pars sur ce foutu moyen de transport explorer les environ. Je n’ai que ça à faire, mais peut-être est-ce aussi une des qualités du temps d’ici : empoisser toutes les activités, les étirer, les densifier au point de leur donner beaucoup de / trop de / suffisamment de / toute leur place ? Vas savoir…
L’étoile d’ici colore ma peau de rouge, et elle me brûle. Que contient donc la lumière de cette étoile ? Il va falloir que je tire ça au clair, parce que c’est douloureux… Les paysages sont néanmoins splendides. Ils semblent fait de la même matière que le temps d’ici : grands, vides mais remplis de quelque chose qui les peuple, qui attire le regard et qui laisse de la place sans pour autant vouloir être peuplé. Comme si le temps/paysage se suffisait à lui-même et n’avait pas besoin de mon concours pour exister, comme s’il attirait à lui les choses à l’intérieur de moi. Mon esprit, après s’être reposé en moi, semble maintenant repartir à l’extérieur ; je le sens reposé, et sans morceaux de temps à attraper sans cesse, je le vois virevolter loin mais calme, toutes ses ailes déployées. Il a l’air à l’aise. Je réalise qu’avant, dans mon ancien monde, il était englué.
Ici il étire ses ailes.