C’est un chercheur qui a une conviction : dans cette rivière se trouve LA pépite. Pas la plus grosse, ni la plus belle, mais celle que lui cherche ; celle qu’il a en rêve.
Alors il cherche. Il retourne chaque pierre de cette rivière, mets les bras dans la boue. Il manque de se noyer plusieurs fois, désespère parfois. Il sait que sa pépite existe, et qu’elle est dans cette rivière.
Au cours de sa recherche il lui arrive de tomber sur une pierre qui retient son attention. Il arrête alors sa quête, un moment, contemple ce qu’il a trouvé, puis la pose de côté : ce n’est pas celle qu’il cherche.
Et il continue, têtu.
C’est à ce moment qu’un voyageur passe près de sa rivière. Il regarde les pierres que le chercheur a écarté. Il y en a de toutes tailles, de toutes les couleurs, de toutes sortes. Certaines sont réellement splendide ; d’autres pas tant que ça mais ont indéniablement une particularité qui les rend unique ; d’autres pourraient l’être et il faudrait être difficile pour ne pas les trouver belles ; d’autres … ma foi … une erreur ? ou peut-être faut-il demander au chercheur pourquoi cette pierre a retenue son attention ?
« Quelle belle collection as-tu là, l’ami ! Pourquoi cherche-tu encore ? Tu me semble bien difficile à contenter. J’en connais qui se seraient satisfait d’une de tes pierres. »
« Merci, l’ami. Je cherche encore car je n’ai pas encore trouvé. »
« Je ne te comprends pas … Que cherche-tu ? N’as-tu pas peur que ta quête soit vaine ? Ne peux-tu te contenter de ce que tu as trouvé ? C’est déjà fort impressionnant ! Plus d’un serait fier d’avoir trouver tant de belles pierres ! »
« Alors plus d’un serait fou car il se contenterait de l’ombre de ses rêves, et ferait sa fierté d’un tas de caillou, aussi beaux que soient-ils. »
« Impressionnant tas de beaux cailloux, tout de même », dit le voyageur à voix basse. Regardant tour à tour le chercheur dans sa rivière et les pierres, il dit :
« C’est toi, le fou ! Tu cherche, cherche, alors que tu as déjà tant trouvé ! »
« Passe donc ton chemin, l’ami, si ton propos est de me faire perdre mon temps. Tu vois dans ces pierres un objet de fierté, j’y vois mon passé. Ce que je cherche est encore dans cette rivière. »
« Pauvre fou … » maugrée le voyageur, dans un mélange de jalousie et d’incompréhension.
Le chercheur fini par trouver la pépite qu’il cherchait depuis tant de temps. Il la sort hors de l’eau et la contemple en souriant. D’un large sourire qui en exprime bien plus que tous les mots (d’ailleurs il ne dit rien). Il marche vers la berge en ne cessant de la contempler. Son souffle ralenti sous le soulagement d’avoir trouvé, et en s’asseyant sur le sol inspire et expire une grande goulée d’air où se fait sentir l’immense paix qui habite ceux qui ont atteint leur but.
« Combien de pierres y a-t-il ? », demande la pépite.
« Quelle importance, pépite, puisque je t’ai trouvé ? »
« Combien ? »
Il le lui dit.
« Pourquoi moi alors que tu as tant amassé ? Pourquoi moi alors que j’en vois d’ici de plus belles que moi ? Ne suis-je qu’une de plus que tu vas mettre avec les autres ? Pourquoi moi, chercheur ? »
« Le passé est le passé, pépite. Ce dont tu me parles est le passé et non le présent. Ce que tu regarde est mon passé et non mon présent. Mon futur est entre mes mains : c’est toi. C’est toi que je cherchais. Ces pierres ont pavé mon chemin jusqu’à toi. Pourquoi me parle-tu de passé ? Pourquoi n’es-tu pas heureuse que je t’ai trouvé ? »
Et la pépite et le chercheur continuèrent à perdre leur temps ainsi : la pépite à douter, et le chercheur à la rassurer.
S’étant pourtant trouvé, ils ne vécurent pas heureux. Et la pépite fini par retourner à la rivière.
A ce jour, le chercheur cherche toujours.
Commencé le 19 juin 2014, achevé en janvier 2018